Origine, deux thèses s'affrontent ...

Deux thèses connues s'affrontent sur l’origine du gille. La première, celle des traditionalistes qui prétendent que le gille serait le 22 août 1549 dans la soirée. A cette époque , Marie de Hongrie offrait dans son somptueux palais, en l'honneur de son frère l'Empereur Charles-Quint, son neveu Philippe II et sa soeur Eléonore d'Autriche des fêtes d'une splendeur et d'un faste qui en font un fait historique important dont la description allait être propagée dans l'Empire tout entier jusqu'a nos jours.

Parmi les attractions de ces fêtes de Binche des représentations des plus importantes conquêtes de l'Espagne dont la toute dernière , celle du Pérou légendaire empire des Incas, un des fleurons de l'Empereur Charles-Quint. Pour le rappeler de soldats en garnison à Binche se travestirent en Incas, coiffés de plumes et dansaient au son d'une espèce de tam-tam sur un pas cadencé. Ils auraient même lancé des oranges pour symboliser l'or du Pérou. L'un d'eux, prénommé " Gil " se fit remarquer d'où le nom de Gilles Incas, mais la vérité historique semble bien plus complexe.

La deuxième thèse plus probante : le Gille est un personnage de très vieille naissance marqué par des influences diverses. Ses origines lointaines remontent comme ses frères européens , aux rites des danseurs  du renouveau. Ces danseurs espéraient écarter la mauvaise saison, la maladie, la misère et la faim. Le gille porte une ceinture, des sonnailles, une tête de balai ( ramon ) et offrait autrefois du pain qui deviendra l'orange vers 1850 par suite de l' évolution sociale. La danse et son martèlement cadencé, les sabots, son caractère rituel d'origine rappellent cette appartenance à ces rites du renouveau. La dénomination de GILLE est marquée par le théâtre populaire dont Gilles a été le hé ros de milliers de farces et de pièces d'où les bosses, la barrette et le mouchoir plié, noué autour de la tête é taient des habitudes théâtrales certaines. Le GILLE est donc une sorte d'officiant attaché aux règles traditionnelles au comportement sérieux reflétant sa superbe dignité qui célèbre le renouveau vers la bonne saison et ses possibilités accrues de la vie.

L'évolution du Gille

Un groupe de Gilles en 1877

De 1880 à 1900

De 1900 à nos jours

Le masque

A l'origine, le masque symbolise les esprits bénéfiques des ancêtres . Il chasse l'hiver et les forces maléfiques et permet d'agir au nom de la collectivité lors de l'accomplissement des rites du renouveau. Le masque apparaît en 1860, le gille porte un masque de toile cirée, aux lunettes vertes de bourgeois intellectuel, aux épais favoris, à la moustache en pointes et à la mouche Napoléon III. 

Actuellement, le Gille se limite à porter le masque quelques heures pour conserver traditionnellement l'anonymat et bannir les différentes classes sociales.  

 

Le ramon

Ce " BALAI " dont était jadis muni le gille, est le ramon actuel que tient le gille le matin, l' après-midi il porte le panier. Ce balai était lancé à la tête de tout individu sans masque ni faux nez. Le " domestique " du Gille le récupérait en faisant une sorte de pirouette au nez du passant et laissait parfois même l'adresse de son maître. ACTUELLEMENT, le gille lance le ramon lui-même au passant qu'il veut saluer et embrasse la personne qui lui restitue le ramon. Le balai de jadis s'est transformé en un ramon de + ou - 25 cm. Mais depuis quelques années pour retrouver la tradition sa longueur a été ramenée à + ou - 45 cm. Jadis, le ramon était censé chasser les mauvais esprits qui retardaient le renouveau.

Le chapeau

Le chapeau du gille est orné de 8 à 12 grandes plumes en forme de panache (en général 12 ). Il s'agit en fait de 300 plumes d'autruche assemblées qui proviennent d'Afrique du Sud. Ces grandes plumes sont fixées à la coiffe (sorte du buse avec une armature métallique ). Cette coiffe s'inspire sûrement des coiffures que portaient les indigènes du Pérou en période de fêtes. Depuis 1890, le chapeau simple au départ, s'est amélioré en beauté agrémenté d'une ou plusieurs étoiles, symbole de l'espérance. Un peu plus tôt, apparaissent également 4 rubans en soie qui partent du chapeau jusqu'à l'apertintaille. Le 20eme siècle va lui apporter une nette amélioration pour obtenir la superbe coiffe d'aujourd'hui.

L'apertintaille

Selon certains, l'apertintaille d'aujourd'hui aurait son origine dans les objets sonores diverses que portaient les danseurs au moyen âge (également les danseurs d'Afrique) lors des réjouissances des cours et pendant les rites du renouveau. Cette sorte de " porte-en-taille ", traduction de l'époque , sera porté autour des reins, des bras et des jambes. Plus tard, il va se transformer en " colè d'sounètes " que nous connaissons de nos jours. Avant 1900, la ceinture comportait deux rangées de sonnettes. Depuis lors, l'apertintaille est composée d'une seule rangée , et un grelot, placé au milieu de la collerette en dessous du ruban de soie, la complète.

Le costume du gille

Le costume du gille, dont l' évolution vous est proposée, disons plutôt, suggérée dans les croquis çi-avant très réalistes , aurait pour origine dans sa conception actuelle l'influence certaine des Incas complétée par des symboles provenant de la survivance des cérémonies des rites du renouveau, du retour du printemps et des fêtes de la fécondité que l'on retrouve dans toutes les contrées européennes et ailleurs dans le monde. Les sujets coloriés (lions) qui parsèment aujourd'hui le costume confectionné avec de la toile de lin, rappellent les tatouages des Indiens, les étoiles et les soleil évoquent irrésistiblement les divinités des Peaux-Rouges. Ces lions rouges et noirs appliqués sur le costume dateraient, sans doute, de la Révolution Brabançonne (1789) et seraient les lions du Comté du Hainaut. Ils évoquent probablement aussi l' Indépendance de la Belgique, comme les Drapeaux et le Blason plus ou moins récents.

LE COSTUME demande pour le confectionner en toile de lin : 

  • 5,50 m x 0,90 m ou 3,75m x 1,40 m pour BINCHE

  • 3,50 m à 3,75 m x 1,40 m pour La Hestre  

  • 3 , 50 m x 1,40 m pour La Louvière  

Quant au nombre de lions :

  • 20 lions héraldiques pour Binche et La L ouvière

  • 14 lions pour la Hestre

  • ainsi que 120 à 130 étoiles pour Binche

  • 85 à 90 pour la Hestre

  • 120 pour La L ouvière

Le costume se complète aussi par des couronnes dont le nombre s'établit comme suit:

  • Binche et La Louvière : 20

  • La Hestre : 25 à 30 couronnes aux couleurs nationales.

Les airs de Gilles

On compte 26 airs de gilles joués effectivement, auxquels il faut y joindre le célèbre " Avant-dinner" qui reste particulièrement mystérieux et se transmet par tradition à l'intérieur de chaque famille de tamboureurs. Il est certainement le plus ancien (milieu du 18eme siècle ) de toute la chorégraphie du gille. Quant aux autres, les origines sont diverses, souvent empruntées à des danses, contre-danses ou quadrilles et remontent au 19 eme siècle. Les derniers airs adoptés, paraissent être celui des marins composé en 1877 par E. DENEUBOURG, musicien binchois, et l'Aubade matinale (batterie accompagnée d'une flûte). Selon certains musicologues qualifiés, le rythme du tambour et de la danse remonterait très loin dans le temps et probablement même à la préhistoire. Il s'agit d'un rite ancien conservé dans un état de pureté d'origine important.

 

Ci-dessus les 26 airs de gille (+ " l'avant dinner " - tambour) - version numérisée. Vous pouvez écouter directement un titre en cliquant sur l'air choisi du lecteur.

Le jet d'oranges

Le jet d'oranges du gille, symbole de l'abondance est certainement lié aux fêtes du renouveau. A l'époque les participants offraient les fruits de la terre (oignons , noix, pain etc ... ), une valeur symbolique d'offrande pour provoquer la fécondation de la terre et saluer le retour du printemps. L'orange, signe d'évolution sociale va apparaître vers 1850.

Les bosses

Les bosses, comme la barrette et le mouchoir noué autour de la tête, rappellent probablement certaines habitudes du Théâtre Populaire du temps passé. Ces bosses ou difformités simulées , en leur temps par les Incas, sont encore parfois observées par analogie chez certains danseurs du Centre de l'Afrique.

Les sabots

Le sabot semble avoir été choisi pour marquer le martèlement cadencé de la danse et des airs de musique. Avant 1914, il é tai t peint de bronze doré et se terminait par une corne assez prononcée. Aujourd'hui plus simple, il est orné d'un "ERNON", sorte de rosace faite de rubans plissés.

La répétition de batterie

Symbole, qui avait naguère le but d'entendre les tambours et caisse et de décider éventuellement de leur engagement. Aujourd'hui les sociétés se risquent parfois, à cette occasion, à sortir quelques heures en soirée .

Les soumonces

Sont en fait une préparation au Carnaval. Ces soumonces (sorties ) sont souvent prévues après 16 heures et se déroulent après la répétition de batterie au local de la société. Il s'agit en fait d'un avertissement et d'une invitation à fêter le CARNAVAL. Les participants sont revêtus d'un sarau bleu, du mouchoir rouge autour du cou, d'une casquette en soie noire ou rouge sur la tête. Les sabots, l'apertintaille et le ramon viennent compléter leur tenue. Dans certaines sociétés on se contente d'un travesti simple où l'on se revêtit d'un uniforme d'officier français ou d'une défroque de grand-mère . Dans la plupart des carnavals de la région du Centre, il est prévu 2 répétitions de batteries, 2 soumonces en batterie, 2 soumonces en musique pour annoncer le prochain Carnaval.

BIBLIOGRAPHIE

"Le Carnaval de Binche" Panorama de la coutume 1980 - "LE CARNAVAL de BINCHE" Bulletin d'inf. du Service Presse de la Ville de Binche N°39 janv. 80 - Croquis et dessins de F. Liernaux - " Sociétés carnavalesques" de O. Genbauve 1985 - " Djile de sang" Collection Histoire et Folklore asbl Boute en train 1986.